Je ne connais pas Ida Jakobs, ce sont ses photographies qui m’ont émue.

Personnes âgées, écoliers, un vieil homme vivant seul dans un taudis, portraits d’artistes, une tante ou une grand-mère de sa propre famille – si son choix de sujets peut sembler banal, sa façon de parler visuellement de ces banalités est tout à fait étonnante.

Ses portraits en noir et blanc, ou en couleur, sont originaux et ne ressemblent à rien de déjà vu. Osés dans leur approche, mais en aucun cas, choquants, ni spectaculaires, ils révèlent à la fois une vraie complicité entre elle et la personne photographiée, et une imagination farouche qui lui permet de réaliser des images complètement inattendues. On repense notre connaissance de la vieillesse, on repense l’idée de la solitude, toutes nos idées préconçues sont bafouées et remplacées par une sorte de scénario, terriblement intime ; un scénario délirant, généré par une imagination drôle, mais pas comique, tendre mais jamais mièvre. On est frappé par une certaine violence et en même temps par la réelle tendresse qu’elle nous fait voir chez toutes ces personnes, tendresse qu’elle nous livre en images avec son boitier, son cœur et son intelligence si particulière. À la fois documentaire et fiction, imaginaires, mais ô, si réelles, les photos d’Ida Jakobs, dans toute leur complexité, frôlent la folie, la folie douce.

Jane Evelyn Atwood, 2015

Il y a quelque chose de salvateur dans l’idée qu’a cette jeune femme photographe de pouvoir envisager que la (sa) photographie peut sortir de ses gonds pour nous aider à voir de face et sans concessions notre propre réalité. C’est un univers photographique qui tout simplement nous (me) ramène aux sources de la photographie contemporaine et j’y vois clairement une référence au travail de Diane Arbus.

Gilles Favier, 2019